TELL ME WHAT I'M SUPPOSED TO DO. • Travis.

Il n’était pas vraiment ce qu’on pouvait qualifier de petit ami idéal. Non, pas vraiment. Il passait son temps à se disputer avec Tam. Et le pire dans tout ça, c’est que la plupart du temps, c’était sa faute. Il en avait conscience mais il ne faisait rien pour arranger les choses. Ce n’était pas de sa faute s’il aimait se lier avec les gens, faire de nouvelles connaissances et découvrir des têtes fraîches. Pas de sa faute non plus si la plupart de ces arrivants étaient du sexe féminin. Fallait s’en prendre à Mère Nature qui concevait plus de représentants du sexe faible que de l’autre. Il ne pouvait pas porter tout l’univers sur ses épaules. Non. Mais de toute manière, c’était pas la question. Il était trop occupé pour décrocher quand sa petite amie l’avait appelé. Il avait laissé le téléphone sonner, hypnotisé par la TV. Ni lui, ni Nate n’avait levé le moindre petit doigt. Ils ne s’étaient même pas échangés un regard quand la voix de Tam avait retenti. Tout juste avait-il poussé un soupir. A tous les coups, elle s’était encore disputée avec sa mère. Il était tranquille sur ce point-là au moins. Il ne la voyait pas beaucoup et il ne pouvait pas se disputer avec son père. Il n’en avait pas. Ce couillon était parti avec la baby-sitter. Finalement, l’émissio prit fin et il se décida à bouger. Il n’avait aucune idée où se trouver Tam mais il avait sa petite idée.

« On se voit plus tard. Je m’occupe de celle qui a son cycle mensruel. »

Il salua d’un geste de la main son meilleur ami avant de se mettre au volant de sa chérie, sa voiture adorée qu’il bicheonnait encore mieux que quiconque. Il savait pertinnement où il la trouverait en fait. Il la connaissait à force de se fréquenter. Il savait parfaitement où elle trouvait refuge quand elle n’allait pas bien et à l’entente des éclats dissimulés dans sa voix, elle n’était pas au meilleur de sa forme. Il ne savait pas pourquoi ça la calmait. Peut être parce que c’était dans ces champs que pour la première fois, ils s’étaient embrassés. Par jeu. C’était des gamins à l’époque. Il se gara sur le bas côté et tenta de se repérer dans cette étendue jaune mais rien. Il était totalement paumé.

« TAM !! » cria-t-il.

Elle était là, il savait qu’elle était là. Soudain, il remarqua les épis remuer et sa frimousse en sortir. Aussitôt, il grimaça. « T’as une tête à faire peur. » Charmante entrée en la matière mais aucun ne prenait de gant avec l’autre. Il avait une cicatrice sur la tempe qui le prouvait en cas de doute. Il s’approcha d’elle et l’embrassa en la serrant contre lui avant de disparaître avec elle dans les céréales, la tenant toujours dans ses bras. « Qu’est-ce que t’as ? » lui murmura-t-il dans le creux de l’oreille, la lui mordillant légèrement. Parler ? Pour quoi faire ?

« Va te faire foutre Travis ! »

BAM. Coup de poing dans la poitrine. Elle n’était pas sportive, elle ne faisait pas de la boxe professionnelle mais elle aurait largement pu. Le jeune homme ne put s’empêcher de grimacer et de se passer la main contre sa poitrine, pour guérir illusionairement le choc. Faut dire qu’elle passait son temps à le frapper. Elle passait son temps à frapper tout le monde. Surtout ceux qui lui tapait sur le système. Et comme Travis n’arrêtait pas de la contrarier en faisant n’importe quoi, il en prenait autant pour son grade. Être le petit ami de la terreur du lycée n’offrait aucune sorte d’immunité, bien au contraire. M’enfin, c’était à l’image de leur relation. Violente. Passionnelle. Brute de décoffrage. Sans chichi romantique ou quoi que ce soit.

« Rien, j'ai juste mes règles, comme tu dis pour déconner avec tes amis. »

Un léger sourire se dessina sur ses lèvres mais heureusement que ce dernier était perdu dans les cheveux de Tam. Sinon il savait pertinnament qu’elle le lui aurait fait payer. Elle ne faisait jamais dans la demi-mesure. « Tu les as tout le temps tes trucs. » plaisanta-t-il à moitié pour décrire le caractère de cochon de sa petite amie. M’enfin, c’était en partie pour ça qu’ils s’entendaient si bien. Quoi de plus volcanique comme relation que se disputer et se réconcilier ? Il ferma les yeux, resserant un peu plus l’étreinte avant de les rouvrir doucement pour l’observer. Bon, il ne pouvait pas voir son visage mais il sentait que ça n’allait pas bien. Un petit ami, c’était sensé consoler nan ? Ouais, en principe. Il n’aimait pas les principes. « Pourquoi t'as pas répondu quand je t'ai appelé ? »

Il poussa un profond soupir et saisit sa main dans la sienne, entrelaçant leurs doigts. Il se redressa légèrement, reposant sa tête sur sa main libre et planta son regard sur leurs mains unies. « Le téléphone était trop éloigné. J’avais la flemme de me lever. » Puis il fallait dire qu’il était tellement bien avec Nate en train de regarder cette connerie à la télé qu’il n’avait pas souhaité rompre ce moment. Un préssentiment lui avait susurré que derrière cette sonnerie intempestive se cachait sa copine. « Tu t’es encore disputée avec elle ? » La question n’avait même pas besoin d’être posée en fait. Il savait pertinnement leur relation.

« Donc t'as la flemme de parler à ta copine... Sympa Travis, sympa. »

Le sourire de Travis s’élargit alors qu’il lui faisait une petite moue pour la dérider un peu. Hé, chacun ses priorités et ni l’un ni l’autre ne se mettait en haut de la liste. Surtout quand l’un avait les pupilles injectées de sang laissant particulièrement présager la substance plus ou moins illicite qu’il avait ingéré. A ce compte là, c’était cependant Travis qui remporait la médaille haut la main. A croire qu’il fumait de l’herbe du soir au matin et du matin au soir. Il s’approcha du visage de Tam comme pour l’embrasser avant de dériver et de faire semblant de manger son nez pour finir par l’embrasser. Fallait pas chercher, à force ça atteignait le cerveau déjà bien atteint.

Il garda le silence après sa question qui se passait de réponse, tellement c’était évident. Depuis qu’il la connaissait, elle s’était toujours disputée avec sa génitrice. Et il la connaissait depuis un bon bout de temps maintenant. Il aurait pu avoir les mêmes problèmes. Tam ne se conformait pas à ce que sa mère attendait d’elle. Elle l’aurait aimé plus intelligente, plus sérieuse. Et surtout, elle aurait aimé qu’elle ait d’autres amis. Et un petit ami différent de ce que Travis représentait. Il l’avait bien évidemment remarqué mais il se contentait de l’agréer lors de leurs rencontres. Leurs rancunes n’étaient que plus tenaces. Heureusement qu’il n’avait pas ce genre de problème avec sa famille. Sa mère lui passaient tout et ses nombreux oncles et cousins l’entraînaient eux même sur la mauvaise pente.

« Ouais, comme d'habitude. J'en ai marre d'elle, j'en ai marre de tout. J'ai qu'une envie, c'est de me barrer Travis. De partir loin d'ici, de plus avoir d'obligations. J'en peux plus. »

C’était un projet d’avenir qu’ils avaient tous en commun. Souvent ils se répétaient qu’ils partiraient à la fin de l’année. Qu’ils iraient s’installer à New York et faire fortune sur la scène underground avec leur groupe de rock qui ne possédait toujours pas de nom. Qu’ils emmèneraient avec eux leurs petites amies respectives et qu’enfin ils pourraient débrider leur imagination. Seulement, il ne pouvait pas encore. Il ne pouvait pas laisser tomber sa mère qui travaillait tellement pour lui, pour qu’il obtienne ce diplôme qu’il n’aura jamais. Il poussa un profond soupir et répondit un vague : « Ouais. » Etait-ce vraiment le moment d’en parler ? Avaient-ils besoin de remettre ça sur le tapis ? Pas sûr. Et puis, en ce moment, ce n’était pas son état d’esprit. Bien sûr il détestait toujours autant aller au bahut. Il séchait souvent. Il croisait souvent le commissaire. Mais quelque chose avait changé. Il aimait bien traîner avec ses amis, passer pour les marginaux. Il se redressa et se plaça au dessus de sa petite amie, se reposant sur ses coudes. « Tu sais quoi ? » Il déposa un baiser doux et furtif sur son nez et sur ses lèvres avant de poursuivre : « On s’en fiche d’eux. Oublie les. » Il fourra alors son visage dans le creux du cou de la jeune femme. Semblable à lui-même, il se ficheait de tout. Le meilleur moyen de traverser la vie sans se faire atteindre par celle-ci, non ?

« T'as raison. »
« J’ai toujours raison » se contenta-t-il de répondre entre deux baisers enfiévrés.

Il se laissa faire par la jeune fille. Elle était toujours celle qui prenait les rênes et cela dépassait l’intimité dans laquelle ils se plongeaient de temps à autres. Elle ne pouvait s’empêcher de commander son monde et de faire en sorte que ce dernier tourne à la façon dont elle avait décidé. Si ce n’était pas le cas … hé bien mieux valait ne pas se trouver dans le passage de la tornade Hernandez. Mais Travis n’y trouvait rien à redire dès lors qu’il y trouvait son compte et en cet instant précis. Eh bien, il était pleinement satisfait de la tournure de ce rendez-vous improvisé et quelque peu forcé. Il ne détacha pas son regard du sien tandis qu’elle le faisait s’allonger dans l’inconfort grattante des hautes herbes et remettait ses cheveux derrière l’oreille de façon adorable, et tellement en contraste avec son allure. Il sentit ses mains lui parcourir le crâne et répondit avec fièvre à son baiser tandis que ses propres mains parcouraient les hanches de la jeune fille qu’il tenait dans ses mains. D’habitude, il refusait toujours qu’on touche à ses cheveux. Seul lui pouvait approcher du doigt cette merveille architecturale. Mais pour Tam, il faisait une exception. Uniquement dans cet instant précis toutefois.

Lentement mais sûrement, ses mains s’insinuèrent sous les vêtements de la jeune femme, le contact de leur peau l’une contre l’autre le brûlant quasi instantanément. Mais il n’avait pas l’intention de s’en laisser compter et poursuivit l’exploration d’un corps qu’il connaissait déjà par cœur. Et soudain, alors qu’il remontait lentement ses mains le long de son dos, exerçant une pression qui laissait présager de l’issue logique de la suite des évènements, un bruit caractéristique se fit entendre. Il cessa de l’embrasser et tourna la tête en se redressant légèrement, la maintenant toutefois toujours contre lui. Fronçant les sourcils, ils entendirent nettement le deuxième bruit caractéristique et il ne leur en fallut pas plus pour se redresser et se redonner une allure plus présentable. Il ne fallut pas plus au fermier pour les répérer et les asséner de toute une sorte d’insultes bien senties et de menaces qui avaient visiblement à voir avec la police ou quelque chose dans ce goût.

« Merde. »

Il aida Tam à se elver et l’attrapa par la main pour fuir l’ire du fermier qui déjà était descendu de son tracteur. Comme si ils pouvaient rattraper leur jeunesse. Même pas en rêve. Mais pour ce qui était des poumons, par contre, c’était une toute autre histoire. Finalement, ils parvinrent à mettre assez de distance entre eux et celui qui les avait empêché de poursuivre leur petite affaire. Il donna un léger coup au brad de Tam dont il tenait encore la main afin que leurs corps se collent à nouveau l’un contre l’autre et la poussant doucement vers l’arbre qui jouxtait la route marquant la limite entre les champs et la ville, il posa son front contre celui de la jeune fille, ses lèvres frôlant les siennes :

« On en était où ? »