INFRACTION N°2 | Feels so manly, when armed. [LIBRE A TOUS]

9h50. Quelques minutes avant la récréation. Martha mit la dernière touche à son chef d’œuvre. A y regarder de plus près, le terme de « chef d’œuvre » est ici mal utilisé car ce n’en était pas un (de chef d’œuvre), au sens propre du terme, mais ce qu’elle réalisa fut malgré tout impressionnant pour une personne de son âge. Quatre jours après s’être déclaré candidate à l’élection des délégués des élèves, Martha avait déjà mis en place une solide campagne. Elle sut, au moment de s’inscrire son nom, qu’elle se présenterait contre son « amie » Mary-Jane et la simple idée de la voir vaincue, de lui prendre son titre, fut suffisante pour renforcer sa persévérance.
Jusqu’ici, Martha avait prudemment fait le choix de ne rien dire à propos de ses ambitions. Lorsqu’elle se présenta comme l’opposition de son amie, ce fut dans la plus complète discrétion. Inutile de se faire des ennemis d’emblée, se dit-elle ; du moins, pas avant la première offensive.
Martha approuva la disposition de sa table. Il y avait de quoi être fier ; un bol rempli de badges à gauche, une boite d’autocollants fraichement imprimés à droite, une boite de pâtisseries au centre, accolée à un cahier vierge n'attendant qu'à être noirci de noms. « Il manque quelque chose, peut-être quelque chose à boire. » Cette omission la contraria - mais elle se résolut à accepter cette imperfection en se convainquant de l’effet salissant et dangereux des boissons. Et Martha ne voulait pas être tenue responsable pour un accident causé par un sol mouillé ou par une détérioration d’un bien public. « C’est la meilleure façon de tuer et d’enterrer cette campagne. »
Sa stratégie était simple. Étant nouvelle à McKingley High, elle devait d’abord se faire connaitre. Tout le monde connaissait déjà Mary-Jane - la veinarde avait une longueur d’avance. Pour se faire, il fallait imprimer son nom dans le plus de cerveaux possible ; les pâtisseries étaient gratuites mais pour pouvoir prendre un brownie ou un doughnut, Martha réclama à chaque élève de prendre un autocollant et un badge, tout en sachant pertinemment que la plupart de ces derniers se retrouveront par terre. Quant aux stickers, la lycéenne sut que ses camarades, toujours aussi farceurs, n’étaient pas du genre à priver une telle chose de sa finalité – celle d’être collée. Peu importe l’endroit, le meuble ou le dos de la personne, les autocollants « MARTHA STRAUBER VOUS REPRÉSENTE ! » deviendront vite le second papier peint du lycée. Son nom sera partout, sur les murs et au sol. Polluer pour gagner.
Martha, assise derrière sa petite table, jubila. Sa main lui faisait encore mal après avoir pressé, continuellement, sa machine à badges lors des dernières 72 heures. Elle était aussi heureuse d’avoir une mère qui fréquentait le gérant d’une papeterie-imprimerie, n’ayant pas assez d’argent de poche pour imprimer autant d’autocollants à elle seule. La chance lui souriait peut-être.


[Je risque de ne pas répondre très rapidement les prochains jours mais reprendrai du poil de la bête la semaine prochaine. ]

La dernière remarque de Dobbs, Martha eut du mal à l’avaler avec un sourire. Elle n’appréciait pas être parlée sur ce ton, avec cette condescendance que l’on accorde généralement aux petits enfants capricieux. Elle était tout sauf ça. Mais pas besoin de s’énerver ; la lycéenne vit un autre un moyen pour retourner la situation en sa faveur. Mentir.



« Et je dois m’en réjouir, parce que? » La bonne nouvelle de Dobbs la laissa indifférente. Son regard s’échappé furtivement pour guetter la main trop entreprenante d’un étudiant sur la boite de pâtisseries. Ses oreilles, par contre, absorbèrent consciencieusement les paroles de son ami, aussi longtemps qu’il lui fut pour voir la façon dont elle pouvait en bénéficier.